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l’infini des sables. Mais elle passe et fuit. Elles s’en vont, les petites ombres inutiles des nuages, rafraîchissant seulement des pierres ou de vieux ossements blanchis.

Inutiles aussi, les plus épaisses nuées qui maintenant, à l’issue du clair matin, vers l’heure méridienne, commencent à s’amonceler là-bas, sur les montagnes mortes, portant leur voile de fraîcheur et de mystère là où il n’y a rien. De plus en plus, elles se condensent, embrouillant de vapeurs ces lointains sans vie ; du changeant et de l’irréel semblent à présent nous entourer ; les sables où nous marchons se noient de tous côtés dans un ciel toujours plus bas et plus sombre, et enfin le soleil lui-même se ternit comme pour s’éteindre. Çà et là, seulement, au hasard d’une déchirure dans ces rideaux d’ombre, la cime dénudée d’une montagne s’éclaire, ou bien, plus près de nous, sous une percée d’où quelques rayons tombent, une colline de sable, toute pailletée de mica, se met à briller comme un tumulus d’argent.

Pendant la halte alourdie du milieu du jour, nos chameaux de charge nous dépassent, comme il est d’usage en caravane, emportant, au fond des inquiétants lointains, nos bagages et nos tentes, pour que nous trouvions notre camp monté