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une élévation prochaine, pour voir plus loin encore, plus loin dans l’attirante immensité…

Du haut de la dune désolée où cette course nous mena, on voyait plus loin, en effet, et, sur le désert encore agrandi, traînait une dernière lueur de jour, descendue du ciel jaune par une déchirure qui lentement se faisait dans son voile…

Et voici, avec ce vent d’hiver, c’était sinistre tellement, qu’une mélancolie de source ancestrale et lointaine tout à coup se joignit à l’attirance du vide, un regret d’être venu, une tentation de fuir, quelque chose comme l’instinctive crainte qui fait rebrousser chemin aux bêtes des pays verts, à l’aspect de ces régions où plane la mort.



Sous la tente ensuite, à l’abri du vent, aux lumières, pendant notre premier dîner de nomades, l’insouciante gaîté nous revint, avec déjà l’accoutumance de ce grand seuil silencieux où le crépuscule achevait de s’éteindre.

Et puis, il y avait l’amusement très enfantin de revêtir nos costumes d’Arabes — nouveaux pour mes deux compagnons de voyage, s’ils ne l’étaient plus pour moi-même. Pas bien nécessaires, il est