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routes du désert et où nos tentes, parties du Caire deux jours avant nous, étaient dressées parmi les palmiers grêles. Notre interprète et nos domestiques, tous Arabes de Syrie, nous attendaient là, et, autour du camp, nos vingt chameliers, nos vingt chameaux faisaient un amas de misères et de laideurs sauvages, bêtes et gens couchés ensemble, sur le sable où se mêlaient leurs fientes et leurs souillures.

Dans notre voisinage, une autre caravane plus nombreuse que la nôtre, mais plus humble aussi, gisait par terre en une confusion semblable : des pèlerins de Russie, popes, paysans, vieilles femmes exténuées de fatigue, tous gens de foi ardente, qui revenaient du Sinaï, après tant de jours de soleil et tant de nuits de plein air glacé, le visage défait et la toux creuse.

Et tout de suite, autour de nous, c’était l’infini vide, le désert au crépuscule, balayé par un grand vent froid ; le désert d’une teinte neutre et morte, se déroulant sous un ciel plus sombre que lui, qui, aux confins de l’horizon circulaire, semblait le rejoindre et l’écraser.

Alors, à regarder cela, nous prit une sorte d’ivresse et de frisson de la solitude ; un besoin de nous enfoncer là-dedans davantage, un besoin irréfléchi, un désir physique de courir dans le vent jusqu’à