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Aujourd’hui, après nos adieux aux dernières figures européennes, un bateau nous a amenés, par grand vent, de ce côté-ci de la mer Rouge, pour nous déposer seuls sur la plage déserte. Plus personne et plus rien, à la tombée du soir désolé…



Cependant on nous guettait là-bas, derrière les maigres palmiers de l’oasis de Moïse qui faisaient une lointaine tache sombre sur l’infini des sables. Et nous vîmes venir à nous des chameaux qui se hâtaient, conduits par des Bédouins de mauvais aspect.

En s’approchant, ils souriaient, les chameliers, et nous comprîmes qu’ils faisaient partie de nos gens, que leurs bêtes allaient être nos montures. Ils étaient armés de poignards et de longs coutelas de fer ; leurs corps de momies desséchées apparaissaient par les trous des guenilles sans nom dont ils étaient couverts, débris de peaux de biques ou débris de burnous ; ils étaient grelottants sous ce vent triste du soir, et leurs sourires montraient des dents longues.

En une demi-heure, ils nous menèrent à l’oasis de la Fontaine de Moïse, qui est le point initial des