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d’Avril, en maîtresse de maison, comment dire ses belles manières, son affairement, et le sérieux de son impayable minois !… Un intérieur bien modeste ; on est comme chez des gens du peuple, mais soigneux. Ce qui détonne seulement, ce sont les coffres de laque contenant les costumes de danse, dont quelques-uns, jetés çà et là, semblent des robes de fée qui traîneraient dans une chaumine. Aux murs, de bois sec et de papier blanc, il y a des photographies de mademoiselle Pluie-d’Avril et de quelques-unes de ses camarades, dans leurs rôles à succès : frimousses de jeunes chattes, avec des falbalas comme les princesses nipponnes de jadis, ou avec des perruques de douairière. Et, à titre de curiosité exotique, il y a aussi deux images européennes : l’impératrice Eugénie et le roi Victor-Emmanuel… Cependant je ne vois nulle part la table des ancêtres, le recoin vénéré, toujours un peu noirci par la fumée des baguettes d’encens, que l’on trouve dans les maisons les plus pauvres. Non, il fait défaut ici, cet autel qui est l’indice de toute famille constituée ; la petite danseuse n’a donc