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cesse point d’être un réceptacle d’inépuisables étrangetés. Nagasaki, malgré ses lampes électriques et la fumée de ses usines, est encore, au fond, une ville très lointaine, séparée de nous par des milliers de lieues, par des temps et des âges.

Si son port est ouvert à tous les navires et à toutes les importations d’Occident, du côté de la montagne elle a gardé ses petites rues des siècles passés, sa ceinture de vieux temples et de vieux tombeaux. Les pentes vertes qui l’entourent sont hantées par ces milliers d’âmes ancestrales, auxquelles on brûle tant d’encens chaque jour ; elles n’ont pas cessé d’être le tranquille royaume des morts ; les mystérieux symboles, les stèles de granit, les bouddhas en prière s’y pressent du haut en bas, parmi les cèdres et les bambous. Et tout cet immense lieu de recueillement et d’adoration, comme suspendu au-dessus de la ville, jette son ombre sur les drolatiques petites choses qui se passent en bas. Dans Nagasaki, n’importe où l’on se promène et l’on s’amuse, toujours, au-dessus de soi l’on sent cet amas de pagodes et de