Page:Loti - La troisième jeunesse de Madame Prune, 1905.djvu/268

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et les scolopendres, leur jouaient une marche d’entrée calme et discrète, comme en tapotant sur des lames de verre.

À la place d’honneur elles s’assirent, et madame La Cigogne, toujours à quatre pattes, reçut de leur part une commande longue, bourrée de détails, confidentielle même, semblait-il, et entremêlée de saluts, que l’on n’en finissait pas de s’adresser et de se rendre. J’observai que l’on ne se parlait qu’en dégosarimas, ce qui est la manière la plus élégante, et ce qui consiste, comme chacun sait, à intercaler ce mot-là entre chaque verbe et sa désinence. Je n’avais jamais entendu madame La Cigogne s’exprimer avec autant de distinction, ni s’affirmer si femme du monde.

Mais qu’est-ce qu’elles avaient bien pu commander, ces dames ? Madame La Cigogne, maintenant affairée, venait de se retrousser les manches, de se laver les mains à la source jaillissant du plus voisin rocher, et commençait de pétrir à pleins doigts, dans une grande cuve de porcelaine, une matière dense, lourde et noirâtre, qui semblait très résistante.