Page:Loti - La troisième jeunesse de Madame Prune, 1905.djvu/252

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

On étouffe dans la baie de madame Prune, dans le couloir de montagnes, quand nous y entrons. Mais comme tout est joli ! Et puis je m’y reconnais mieux qu’à notre arrivée précédente ; j’y retrouve comme il y a quinze ans le concert infini des cigales, et aussi les magnificences de la verdure de juin. Ah ! la verdure annuelle, comme elle écrase de sa fraîcheur la nuance de ces arbres d’hiver, cèdres, pins ou camélias, qui régnaient seuls ici, quand nous étions venus en décembre.

Ce ne sont pas, dirait-on, les mêmes figures de matelots, bien saines et bien rondes, que le Redoutable ramène à Nagasaki ; il y en a vraiment qu’on ne reconnaît plus. Notre équipage a longuement souffert, sur l’eau remuante et empestée de Takou, souffert surtout de la mauvaise chaleur et de l’enfermement, plus encore que des manœuvres pénibles et de la dépense continuelle de force. Sous le soleil de Chine, vivre six ou sept cents dans une boîte en fer où d’énormes feux de charbon restent allumés nuit et jour, entendre un éternel tapage augmenté par des résonnances de métal,