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trême et la poussière, aboutir aux portes des remparts, qui étaient surmontées, comme à Pékin, d’énormes donjons noirs et cornus. Ces foules toutes blanches, toutes en mousseline blanche, processionnant sur les longues chaussées, évoquaient, pour nous Européens, l’idée d’un essaim de jeunes filles réunies à quelque fête d’été ; mais les promeneurs étaient presque uniquement des hommes, au visage plat, à la barbiche rude et clairsemée comme les babines des phoques. Les garçons, les jeunes n’ayant pas encore convolé en justes noces, allaient tête nue, prenant un air virginal avec leur robe immaculée, leur raie au milieu et leur longue tresse dans le dos, à la manière des petites filles d’Occident. Quant aux hommes mariés, ils étaient irrésistiblement drôles, coiffés tous, d’après l’usage inéluctable, d’un nœud de cheveux et d’une espèce de petit chapeau imitant notre « haut de forme », en crin noir avec des brides pour nouer sous le menton ; si petits, ces chapeaux, d’une si ridicule petitesse, qu’on eût dit ceux qu’ont inventés chez nous les clowns. Et comme