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vient d’être défoncé par la mer, et l’eau noire, l’eau froide, entre en torrent dans nos logis.

Pour nous, peu importe ; mais, tout à l’arrière du cuirassé, il y a notre pauvre amiral, cette nuit-là entre la vie et la mort. Après les longues fatigues endurées dans le golfe de Petchili, pendant le débarquement du corps expéditionnaire, on l’emmenait au Japon pour un peu de repos dans un climat plus doux ; et l’eau noire, l’eau froide envahit aussi la chambre où presque il agonise.

Vers une heure du matin, là-bas, là-bas apparaît un petit feu, qui est stable, dirait-on, qui ne danse pas la danse macabre comme toutes les choses ambiantes ; il est très loin encore ; à travers les rafales et la neige aveuglantes, on le distingue à peine, mais il suffit à témoigner que dans sa direction existe du solide, de la terre, du roc, un morceau de la charpente du monde. Et nous savons que c’est la pointe avancée de l’île japonaise de Kiu-Siu, où nous trouverons bientôt un refuge.

Avec la confiance absolue que l’on a maintenant en ces petites lueurs, inchangeables et