Page:Loti - La troisième jeunesse de Madame Prune, 1905.djvu/176

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de la dînette, qui remonteront vers l’hôpital russe, tandis que je m’en irai solitairement tout le long des quais, jusqu’à l’échelle coutumière. Là, je réveillerai, pour qu’il me ramène à bord, quelqu’un de ces bateliers nippons, qui se tiennent blottis jusqu’au matin dans la cabane de leur sampan.

Minuit à peu près, quand j’arrive aux escaliers de granit qui descendent dans la mer, et la neige tombe plus fort ; la rade, emplie de lourdes ténèbres, entre les montagnes de ses rives, semble un bien sinistre gouffre. J’appelle dans l’obscurité :

— Sampan ! sampan !

D’en bas répond une voix étouffée, et puis une trappe s’ouvre, dans une espèce de petit sarcophage qui flottait sur l’eau sombre, et la tête d’un sampanier se montre éclairée par une lanterne.

— C’est pour aller où ?

— Là-bas, au grand cuirassé français.

Mais, tandis que nous parlementons, je distingue une forme humaine, qui gît par terre et sur laquelle un peu de poudre blanche est