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braises odorantes, ont commencé de répandre un peu de chaleur, tout en alourdissant beaucoup nos têtes, dans l’enfermement toujours si hermétique produit par les châssis de papier. À bâtons rompus, nous causions de mille choses, assis sur nos coussins d’un noir funéraire : du pays Basque, de Madrid, de la Cour d’Espagne, même de l’histoire de France, et je ne sais comment de la Révocation de l’édit de Nantes. — « Tiens, c’est vrai, m’a dit tout à coup le prince en riant, ma famille dans ce temps-là a dû bien tourmenter la vôtre ! » — Plutôt oui, en effet. Mais, éternel revirement des destinées humaines : ce petit-fils de Louis XIV et ce petit-fils d’obscurs huguenots, que le roi Soleil avait dédaigneusement persécutés, réunis là côte à côte, à faire la dînette élégante, au Japon, dans une maison-de-thé…

Nous attendions les guéchas, commandées pour le dessert. On en était au saki, la liqueur de riz apportée bouillante dans de très délicates buires de porcelaines à long col. Son Altesse m’avait annoncé une merveille de petite dan-