de lichen, et les innombrables bornes funéraires, enlacées de plantes aux minuscules feuilles ; voici le réseau des sentiers qui se croisent parmi les tombes, sous les bambous et les camélias sauvages ; voici tout le labyrinthe des morts. Et, à cette hauteur, je retrouve presque chaque fois ce soleil du soir, couleur de cuivre, qui, avant de s’abîmer là-bas dans la mer Jaune, s’attarde si languissamment sur ces pentes exposées au sud et à l’ouest, pour y apporter une tiédeur pas naturelle et comme enfermée, et me donner toujours la même illusion de serre. Çà et là, gisant sur quelque terrasse mortuaire, une chaise à porteurs, toute petite et en bois blanc très mince, comme pour promener une poupée, indique la place d’un mort nouvellement amené à ce haut domaine ; c’est là dedans qu’on a apporté sa cendre, et l’usage veut qu’on laisse le véhicule léger pourrir sur place, avec les lotus en papier d’argent qui servirent au cortège. Où les brûle-t-on, ces morts, dans quel recoin clandestin, et avec quelle pudeur de les montrer ? En ville on ne les rencontre jamais que déjà tout incinérés,
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