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les coins sans valeur ; à nous surtout le soin de faire les affaires des Grecs avec notre argent et le sang de nos soldats ; à nous de monter la garde en Bulgarie, en Hongrie, et même ailleurs, chez les Arméniens. Après notre victoire de Macédoine, alors que, poursuivant notre rêve généreux d’être des émancipateurs, nous portions nos soldats en Russie, en Pologne, en Hongrie, les Anglais, eux, allaient à leurs petites affaires et mettaient la main sur les morceaux de choix, sur les pétroles de la Caspienne et sur le pays de Bagdad[1] !

Dans ce cri d’alarme que je jette, j’éprouve le besoin de dire aussi combien j’ai été effrayé, ces jours derniers, en causant avec ceux de nos soldats que l’on envoie encore dans le Levant. Je les avais vus partir pleins d’une merveilleuse ardeur pour la guerre contre l’Allemagne, d’où ils revenaient à peine ; ils espéraient rentrer enfin dans leurs foyers ; mais non, on les faisait repartir pour porter secours à ces Levantins de malheur ! Alors ils s’indignaient contre les ordres reçus, et, eux si soumis naguère et si braves, exaspérés maintenant

  1. On connaît, parmi tant d’autres faits, la récente arrestation scandaleuse, par les autorités anglaises, de l’Émir Saïd et de Moujdirdbey, deux puissants chefs amis de la France.