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retourné il aperçut, le temps d’un éclair, un Arménien qui l’avait visé par la fenêtre d’une maison voisine. Appréhendé et interrogé, le sournois agresseur répondit : « J’avais fait cela pour que les Turcs en fussent accusés, et dans l’espoir que les Français s’ameuteraient contre eux après ce meurtre de leur Consul. »

Mais tous ces griefs — et tant d’autres encore — sont-ils des raisons pour les exterminer ? À Dieu ne plaise qu’une telle idée m’ait effleuré un instant ! Au contraire, si mon humble voix avait quelque chance d’être entendue, je supplierais l’Europe, qui a déjà trop tardé, je la supplierais d’intervenir, de protéger les Arméniens et de les isoler ; puisqu’il existe entre eux et les Turcs, depuis des siècles, une haine réciproque absolument irréductible, qu’on leur désigne quelque part en Asie une terre arménienne où ils seront leurs propres maîtres, où ils pourront corriger leurs tares acquises dans la servitude, et développer dans la paix les qualités qu’ils ont encore, — car ils en ont, des qualités ; j’accorde qu’ils sont laborieux, persévérants, que certain côté patriarcal de leur vie de famille commande le respect. Et, enfin, bien que ce soit peut-être secondaire, ils ont la beauté physique, qui en Occident s’efface de