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J’oserai presque dire que les Arméniens sont en Turquie comme des vers rongeurs dans un fruit, drainant à eux tout l’or[1], par n’importe quel moyen, par l’usure surtout, comme naguère les Juifs en Russie. Jusque dans les villages les plus perdus, jusqu’au fond des campagnes, on les trouve, prêtant à la petite semaine, et bientôt il faut, pour les rembourser, vendre les bœufs et la charrue, et puis la terre, et puis la maison familiale. Tout cela, il va sans dire, augmente l’exaspération qu’ils causent déjà par ce rôle qu’on leur attribue, non sans raison, d’être de continuels délateurs qui excitent contre l’Islam tous les chrétiens, catholiques ou orthodoxes, et qui ameutent tout l’Occident contre la patrie turque.

Dans un précédent chapitre, j’ai conté une anecdote turque ; ici, j’en conterai une essentiellement arménienne. Dans une ville d’Asie, lors des massacres de 1896, le Consul de France, qui avait abrité le plus d’Arméniens possible au Consulat sous le pavillon français, venait de monter sur sa terrasse pour regarder ce qui se passait alentour, quand deux balles, venues par derrière lui, sifflèrent à ses oreilles ; s’étant

  1. Il faut cinq Grecs pour faire un Arménien. (Proverbe oriental.)