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une égale certitude que ce n’est là qu’une petite couche très superficielle de banquiers et de marchands, et qu’à trois ou quatre kilomètres alentour, on retombe en pleine homogénéité turque. Y a-t-il donc une raison suffisante pour donner à ces commerçants grecs le port unique, seule ouverture par où l’Anatolie peut respirer et vivre ? Toute proportion gardée, c’est à peu près comme si l’on proposait de leur donner aussi Marseille, sous prétexte qu’aujourd’hui, comme au temps des Phocéens, ils y sont nombreux et y font de bonnes affaires !

Est-il besoin d’ajouter que ces « Alliés » grecs, à peine installés à Smyrne, auraient pour premier soin d’en expulser « les niais de Français[1] ». En outre, les scènes de carnage, dont vient de s’accompagner leur entrée si agressive dans cette ville, prouvent surabondamment que leur domination n’y serait pos-

  1. Ma conscience m’oblige d’avouer qu’avec ces gens-là nous ne sommes pas en reste d’épithètes plutôt désobligeantes. Leur toute gracieuse reine Sophie avait coutume de nous appeler : « Ces infâmes cochons de Français. » Eh bien, je n’ai jamais rencontré un officier ni un matelot, ni un soldat de l’Armée d’Orient, ayant fréquenté les Grecs, qui, en parlant d’eux, ne fasse précéder leur nom d’un qualificatif au moins équivalent ; je n’y suis pour rien, je me borne à constater que c’est une locution courante, — et avec quelle conviction elle est prononcée !