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mais aux Russes, et qui donc à leur place n’en eût pas fait autant ? Plus tard, l’histoire dira, en outre, comment elle a été commencée, cette guerre-là, par quelques sauvages d’Allemagne, montés sur des petits navires au pavillon des sultans et qui, pour rendre la chose irrévocable, n’ont pas craint de tirer sans préambule sur la côte russe avant même qu’Enver, qui hésitait peut-être encore, en eût été informé. Que nous devaient-ils d’ailleurs, les Turcs ? Depuis l’expédition de Crimée, nous n’avons cessé de marcher avec leurs ennemis, et, en dernier lieu, pendant la guerre balkanique, pour les remercier sans doute de l’affectueuse hospitalité qu’ils nous avaient de tout temps donnée dans leur pays, nous les avons grossièrement insultés, à jet continu, dans presque tous nos journaux, ce qui leur a causé, je le sais, la plus douloureuse stupeur. C’est en désespoir de cause, pour échapper à l’écrasement par la Russie, qu’ils se sont jetés dans les bras de l’Allemagne détestée, — je dis détestée, car je me porte garant qu’à part une infime minorité, au fond, ils l’exècrent. Comment donc leur en vouloir sans merci d’une fatale erreur qui avait tant de circonstances atténuantes et pour laquelle ils sont tout prêts à faire amende honorable ?