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plus humble des matelots, et leur exprima en français son regret profond d’avoir été obligé de tirer sur le pavillon tricolore. Nos hommes, exténués de froid et de souffrance, furent réchauffés, réconfortés, vêtus, pansés avec des soins fraternels. Un peu plus tard, il est vrai, comme on les conduisait à une ville proche où était l’ambulance, des groupes vociférants sortirent à leur rencontre, et le lieutenant de vaisseau se plaignit à son nouveau camarade turc : « Oh ! répondit celui-ci, — en les écartant avec une cravache, — mais regardez-les : ce sont presque tous des Grecs ! »

Et maintenant, j’ai dit à peu près tout ce que ma conscience m’obligeait de dire, mais je l’ai dit sans espoir. Donc je me retire pour un temps dans l’ombre, en haussant les épaules devant les insultes arméniennes. La lutte, hélas ! est par trop inégale, et la cause est perdue !… Plus tard seulement, quand cela me sera permis, je publierai un livre d’irréfutables témoignages.