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mais ceux qu’il nous faut mépriser le plus. »

Nous devrions cependant craindre de les pousser aux actes désespérés et de seconder ainsi le jeu de ces agents provocateurs à gages qui continuent chez eux d’ignobles manœuvres. Que, pendant la guerre, ils aient eu pour nous des égards exceptionnels, il n’y a plus que des hommes de mauvaise foi pour oser le contester. Et voici notre remerciement !… J’ai déjà dit qu’ils meurent de faim ; or, sait-on chez nous qu’en ce moment même, tandis que nous nous apprêtons à ravitailler la monstrueuse Allemagne qui simule la famine, non seulement nous ne songeons pas aux Turcs, mais pour comble nous venons d’empêcher, à force de lenteur voulue à délivrer les permis, le départ de Barcelone d’un bateau de secours à destination de Constantinople, affrété par la pitié des Neutres pour apporter là-bas des vêtements et des vivres, les plus anodins macaronis, les plus innocentes lentilles et les plus inoffensives chaussettes !…

Pauvres Turcs ! dans leur stupeur et leur désespoir, de tous côtés ils s’adressent à moi, mais que puis-je, hélas ! pour faire entendre ma voix et le concert des voix si nombreuses de tous les Français qui vraiment les connaissent ?