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ce que toute la ville sait. Les Anglais ont pris possession de Constantinople, avec une arrogance, une brutalité inouïes ! Ce n’est plus la raideur, le mépris habituel, mais la provocation constante, non dissimulée. Des arrestations innombrables sans aucun motif, arrestations faites dans des conditions de cruauté, de barbarie dont on croyait en nos tristes temps les bolchevistes seuls capables ! Portes et fenêtres brisées, femmes blessées, hommes endormis et désarmés, assassinés (cela ne peut s’appeler autrement), officiers cravachés !! À ces provocations, nul n’a encore répondu. Combien de temps peut-on espérer que durera cette maîtrise, cette résolution désespérée de ne pas tomber dans le piège ! Pour ma part, je me cache. J’ai honte, la honte véritable, celle qui fait qu’on balbutie et baisse le front. Je ne connais rien de plus dur. Les hommes qui font ces choses sont vos alliés et vous laissez faire ! Pauvre Turquie et pauvre France ! Il me semble que l’avenir est inexorable. Je vois l’Angleterre ici s’entendant avec l’Allemagne dont elle ne pourra plus se séparer ni géographiquement, ni diplomatiquement, quand celle-ci aura envahi la Russie qui l’appelle à grands cris.

Et cette immense Russie si riche deviendra la vache à lait, la mère nourricière grâce à