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Mais le but de ma lettre est surtout de vous faire connaître les réflexions de l’officier qui me reçut au bureau des renseignements des prisonniers de guerre.

Lui ayant manifesté mon étonnement au sujet du silence complet fait autour des prisonniers restés entre les mains des Turcs, voici quelle fut sa réponse : « Nous savons fort bien qu’ils ne traitent pas mal les prisonniers, surtout les Français, car la France n’a jamais rompu complètement avec la Turquie. » Comme je lui faisais remarquer que ceux qui ont des leurs là-bas seraient soulagés s’ils connaissaient la vérité, il me répliqua : « Oh ! madame, vous êtes naïve de croire que nous puissions avouer que des prisonniers sont bien traités. »

Sans commentaires, allais-je dire, mais je ne pus m’empêcher de m’indigner contre cette façon d’entretenir la haine et le mensonge entre les peuples, afin de pouvoir faire la guerre, et j’ajoutai que l’expédition des Dardanelles était une honte pour la France, un vrai jeu de massacres d’hommes sacrifiés à l’avance. Qui donc vengera toutes ces infamies ?

J’ai vu bon nombre de ces enfants échappés à cette horreur. Ils m’ont certifié avoir vu des Turcs panser et renvoyer ensuite dans leurs