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conviction qu’il serait non seulement inique, mais néfaste, d’anéantir ce peuple loyal, contem­platif et religieux, qui fait contrepoids à nos déséquilibrements, nos cynismes et nos fièvres.

Et puis voilà cinq cents ans qu’il est là chez lui, ce qui constitue un titre de propriété, et, sous ses cyprès, devenus hauts comme des tours, le sol de ses adorables cimetières est tout infiltré de la décomposition de ses morts.

Depuis longtemps déjà, tous nos compatriotes fixés en Orient pensaient comme moi, et aujour­d’hui la guerre a amené aux Turcs ces milliers de défenseurs nouveaux, tous nos combattants, convaincus comme je le suis moi-même.

Certes, à un autre point de vue aussi, il faudrait à tout prix conserver ce que les incen­diaires grecs nous ont laissé de l’imposant et calme Stamboul. Certes ce serait un irréparable attentat contre la beauté de la Terre que de bannir les Turcs de leur Constantinople qu’ils ont tant imprégné de leur génie oriental et dont ils emporteraient avec eux tout l’enchantement ; mais, pour nous Français, il y avait déjà des motifs plus graves de ne pas souscrire à leur expulsion, — en admettant qu’elle fût possible, même en versant des flots de sang dont la Marmara serait rougie, — c’est que les derniers lambeaux de