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et il expliquait comment il avait pu, tout sanglant, tout trempé d’eau glacée, à demi mort de fatigue et de froid, atteindre à la nage un point de la côte ennemie. Le lieu lui semblait d’abord désert, mais soudain il vit un soldat turc accourir à toutes jambes vers lui :

« Pour vous maltraiter ? » questionna le président du conseil.

— Non, pour me donner ses vêtements. »

Alors un frémissement d’émotion parcourut la salle entière, car il venait d’être dit que cela se passait un jour d’hiver par un vent glacé, — et le soldat turc qui s’était dépouillé de ses vêtements pour en couvrir le soldat français, ne possédait que ceux qu’il avait sur le corps…

Vint ensuite le témoignage de cet autre blessé français qui fit un long séjour dans une pauvre ambulance turque du front, où l’on manquait de tout. Ses gardiens turcs ayant appris qu’il adorait les fleurs, avaient soin de lui en apporter de fraîches sur son lit tous les matins.