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deuil, je me contenterai de rapporter seulement ses paroles. Il m’a dit textuellement ceci :

« Vous savez que sur le front où mon fils a été tué, ce sont des soldats français qui voulaient livrer l’assaut. Mon fils a été tué par les armes françaises. Mon fils défendait le sol de son propre pays. Il a été tué, non dans la vallée de la Marne, mais aux confins de la mer de Marmara, non pas en envahissant le territoire français, mais en défendant sa propre patrie. J’avais donc une haine profonde et légitime contre la France. Jusqu’au jour où j’ai eu connaissance de la récente lutte sacrée entreprise par Pierre Loti, je croyais que ma haine serait implacable, éternelle. Mon fils n’a en ce monde d’autre tombe que le cœur de son père. Eh bien, je vous y autorise, je vous en prie, écrivez-le, dites-le à tout le monde, la tombe de mon fils est éternellement reconnaissante à la France de Pierre Loti !… »

Peut-on espérer que la France entendra la voix du père de cette victime de la guerre, de cet ancien combattant et qu’elle comprendra que Pierre Loti rend service à sa propre nation autant qu’aux Turcs !