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» Pendant la guerre, surtout depuis l’armistice, je n’ai cessé de lutter pour votre chère Turquie, mais toujours et partout ma voix a été étouffée par une trop partiale censure… Veuillez, je vous en supplie, le dire à tous ceux qui ont signé la si touchante lettre.

» Ah ! de grâce, ne croyez pas que la France soit la principale nation hostile à la vôtre, ni la vraie responsable de vos malheurs. Surtout ne croyez pas que tous ceux de nos officiers ou soldats revenus de votre pays ne vous aient point gardé dans leur cœur un sympathique et reconnaissant souvenir ; tous au contraire plaident pour vous, tandis qu’ils n’ont rapporté que du dégoût pour vos ennemis et calomniateurs levantins. Mais ils sont restés une minorité, dont de vieux préjugés étouffent la voix, et ce sont les légendes tenaces, c’est la propagande effrénée des Grecs et des Arméniens qui partout triomphent encore. Je souffre avec vous, je suis dans l’angoisse avec vous, et je m’enorgueillis de ce que, à cause de vous, je vis au milieu de la basse insulte et de la menace. Je parlerai dès que j’aurai le droit de parler, mais ma parole sera si peu de chose et surtout elle arrivera si tard !…

» PIERRE LOTI. »