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Trois ou quatre barques, c’est tout ce qui reste de vivant sur cette petite mer, sillonnée au temps de Jésus par d’innombrables bateaux pêcheurs ; elles sont là, le long des vieilles dalles, amarrées à ce quai solennel et désert, et nous en frétons deux pour notre voyage, après de longues discussions méfiantes avec les Arabes qui les montent. Au clair soleil du matin, Tibériade mire ses ruines dans la tranquille mer sans navires ; jusqu’au bord, s’avancent des maisons millénaires, des murs de forteresse, de grandes voûtes d’un usage oublié et incompréhensible. Quelques femmes, arabes ou juives, en tuniques de fraîches couleurs, descendent de leurs logis délabrés, entrent dans l’eau jusqu’à mi-jambe ; les unes pour remplir de grands vases d’une forme encore romaine qu’elles ont apportés à l’épaule ; d’autres, que suivent en miaulant de maigres chats, pour laver des poissons sur des pierres. Et c’est là tout le mouvement de la matinée, le long de ce quai vide et solennel, où rayonne une idéale lumière. Quand nous sommes enfin maîtres de nos barques, nous appareillons à la voile, au souffle d’une imperceptible et tiède brise. — Ainsi, et par des matins semblables, appareillaient autrefois les apôtres, qui étaient pêcheurs sur cette exquise petite mer.