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les paroissiens mangent le pain consacré et chantent ensemble ; Arabes convertis, ils entonnent les Kyrie et les Sanctus en fausset de muézin, comme s’ils étaient en haut des minarets à l’aube naissante… Et cela se termine par une procession dans l’église, les petits enfants fermant la marche et chantant de tout leur cœur comme les oiseaux. Avant de prendre congé de nous, le bon curé tient à nous recevoir dans la chambrette blanchie qui lui sert de presbytère. Un lit, une chaise de paille, quelques livres, c’est tout ce qu’il possède en ce monde. Il nous dit ses salaires : dix-sept francs par mois ! Depuis vingt ans, il est à Tibériade et son seul rêve terrestre serait d’y attendre en paix le grand mystère de la fin, d’être laissé là par ses supérieurs jusqu’au jour de la mort… Si touché que nous ayons répondu à son appel, il demande la permission de nous donner le baiser de paix, au moment de l’adieu qui vraisemblablement sera pour l’éternité. Nous avons expédié à Bethsaïda, par les sentiers de la rive, nos chevaux, nos mules et nos bagages. Et nous descendons sur le quai mort de Tibériade, attendre les deux abbés qui doivent être nos compagnons du jour.