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eaux, semblent se resserrer à l’approche de la nuit, et l’air chaud est rempli de la senteur exquise des foins… L’impression qui domine ici toutes les autres, même celles de l’abandon et de la mort, est l’impression de cette paix sereine, supérieure, qui avait commencé de nous envelopper dès les abords de ce lieu, dès les silencieuses hauteurs du Hattinn [Hatinn]. Il semble que Jésus l’ait laissée ici, la suprême paix émanée de lui, car nous nous sentons différents, comme détachés des choses, reposés et bons, ouverts à des pitiés douces, à des pitiés sans bornes. Et ces paroles chantent en nous-mêmes avec un sens nouveau, comprises pour la première fois, amenant presque dans nos yeux les bonnes larmes : « Je vous donne ma paix, je vous laisse ma paix… La paix soit avec vous !… » La lumière baissant toujours, nous revenons sur nos pas, afin de regagner lentement Tibériade. C’est par un sentier incertain, au milieu des chardons fleuris et des folles avoines, à l’heure où les bergers ramènent le bétail vers l’indispensable abri des remparts ; de temps à autre, des troupeaux de chèvres, qui suivent le même chemin vers la ville, nous enveloppent, avec un bruit de frôlement de plantes, de milliers de petits piétinements légers,