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sommes ici dans l’ombre douce, et que s’assombrissent, là-bas au Nord, les collines où furent Magdala, Bethsaïda et Capernaüm. Une paix que les mots n’expriment plus, une paix infinie qui ne semble pas terrestre, s’épand sur ce berceau du christianisme et du monde, et, involontairement, voici que nous parlons bas comme dans un temple… Sans doute, les paroles d’espérance et les paroles d’amour qui, jadis prononcées ici même, ont pris leur vol pour aller par toute la terre consoler les hommes pendant des siècles, sont mortes aujourd’hui presque autant que le rivage de cette mer ; mais le regret en demeure à toujours au plus profond de nos âmes modernes, alors ce pays de Tibériade nous est encore, malgré tout, la vraie patrie sacrée. Et d’ailleurs, il n’y a pas d’autels d’or, pas de basiliques élevées par des Empereurs, qui vaudraient, pour marquer le lieu d’un tel souvenir, ce délaissement, ce règne du silence et ce règne des herbes comme après la fin des temps humains. Sur les galets de la plage, de très petites vagues d’eau douce viennent déferler, inoffensives, mouillant des débris de poterie antique, des débris de verre tellement roulés et vieux qu’on dirait des cailloux d’émeraude. Les montagnes, tout autour des