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d’Afrique, d’Espagne et de Pologne, pour vivre sur ce vieux sol, à leurs yeux sacré, qui verra naître leur tardif Messie — et il doit y avoir actuellement deux ou trois mille habitants, logés dans les débris de cette ville qui mesure plus d’un kilomètre entre ses murailles, de la porte du Nord à la porte du Sud.

C’est une impression singulière que de pénétrer là — au lourd soleil du soir, devenu sensiblement plus chaud que sur les hauteurs vaporeuses du Hattinn, dans ces rues, dans ces lieux bas, tout au bord des eaux réfléchissantes.

Aujourd’hui précisément est le jour du grand sabbat, le jour de la Pâque, et cela met un air d’endimanchement mélancolique, de triste fête, au milieu de ces quartiers morts. Le long du petit bazar oriental que nous traversons, toutes les échoppes de bois sont fermées. Les rares habitants, les juifs Séfardim de Pologne, au teint de cire pâle, et les bruns juifs Achkenazim d’Afrique, se promènent en causant, vêtus comme à Jérusalem de belles robes de velours et coiffés de bonnets de fourrure ; en passant devant leurs maisonnettes, aux murs informes sous des couches de chaux blanche, nous apercevons leurs intérieurs, pour la plupart improvisés dans des ruines : les femmes se tiennent toutes aux fenêtres, habillées de soies ou d’indiennes