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ce jour, sept siècles d’immobilité et de silence pendant lesquels le tapis des hauts foins, tout de suite reformé par dessus les boucliers, les armures et les morts, n’a plus été foulé que de loin en loin par des bergers nomades, des passants de plus en plus rares. Au fond de ces régions lointaines, qui se creusent en avant de nous comme un gouffre aux pentes si douces, une nappe d’un bleu gris commence de se découvrir : la mer de Tibériade !… Alors, dans un recueillement religieux, dans une vague crainte d’approcher, nous nous arrêtons au milieu des hauts foins infinis. Pour qu’elle reste, cette mer, un moment de plus, exquise et lointaine au milieu de son désert de fleurs, nous ferons par ici la grand’halte du jour. Mais l’ombre est rare dans cet uniforme pays sans arbres, et le soleil, bien que voilé, reste trop lourd pour les dormeurs ; où trouverons-nous un abri pour nos têtes ? Nous marchons encore jusqu’à une roche unique, émergeant des épaisseurs vertes comme le dos d’une bête couchée ; d’un côté elle surplombe et donne un peu de nuit et de fraîcheur, dans un recoin où deux ou trois personnes peuvent prendre place. La végétation est là très dense et vigoureuse : des graminées follement hautes, de majestueuses acanthes, des fleurs inconnues sur de longues tiges ;