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avec les doigts de leurs pieds nus la pièce de bois qu’ils taillent… L’atelier de saint Joseph ressemblait certainement aux leurs… C’est ensuite près de la Fontaine de la Vierge que nous montons à cheval, à l’heure encore fraîche où les femmes de Nazareth y sont assemblées pour puiser l’eau du jour. Comme cette même et unique fontaine alimente la ville depuis les plus vieux âges, il est probable que Jésus a dû souvent y venir avec sa mère — et les scènes, les groupes des matins d’autrefois devaient se rapprocher beaucoup de ce que nous avons en ce moment sous les yeux. Ces femmes, qui se penchent là avec une souplesse lente, dans un rayon de soleil, devant l’antique arceau de pierre dont la fontaine est recouverte, ont la grâce des Thanagra, lorsqu’elles se cambrent pour posersur leur épaule leur vase plein d’eau — leur vase d’argile identique à ceux que l’on retrouve conservés depuis deux ou trois mille ans dans la terre. Et elles sont belles presque toutes, de cette beauté des Nazaréennes qui était déjà réputée parmi les chevaliers croisés et qui, de leur temps, passait pour un don de la vierge Marie aux filles de cette bourgade… Derrière nous, Nazareth disparaît tout de suite, car nous descendons sur l’autre versant des montagnes —