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le même immense amour et la même infinie pitié, nous ne savons pas nous le représenter particularisant, comme chacun de nous, son affection sur des êtres ou sur des choses. Ses parents, il est vrai, et ses frères semblent l’avoir d’abord méconnu, comme toujours il arrive, et n’être revenus à lui qu’à la suite de l’adoration des multitudes étrangères. Mais l’amitié, l’amitié telle que les plus simples d’entrenous la comprennent, lui était habituelle, car souvent dans l’évangile, cette phrase douce est répétée : « le disciple que Jésus aimait ». Nous savons aussi qu’il recherchait le calme des campagnes, qu’il allait se recueillir et prier sur les cimes solitaires ; alors, comment ne se serait-il pas attaché à celles d’ici — qui en ce moment même s’assombrissent de tous côtés sous nos yeux. Lui, il est vrai, qui entrevoyait au delà de sa durée terrestre des survivances et des gloires infinies, ne pouvait éprouver notre mélancolique et presque maladif amour pour le recoin natal, pour les lieux toujours connus ou habités longuement — car cet amour-là n’est qu’une forme du sentiment de notre fragilité, une suite de la détresse où nous jette la loi de passer si vite et de finir. Mais, qui sait pourtant ?… Au Gethsémané, sur le Golgotha, quand vint l’heure d’épouvante où tout ce qui était humain en lui