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descendent toutes, comme si elles coulaient, vers les orges d’en bas. De temps à autre, les bergers les appellent et nous entendons au loin l’écho prolongé de leurs cris ; ou bien ils jouent du pipeau, et alors une petite ritournelle sauvage, un petit turlututu naïvement plaintif monte jusqu’à nous, au milieu du silence de ce lieu presque saint. Le Thabor élève là-bas sa cime un peu bleuie par la distance et, à l’extrême horizon, s’esquissent les monts de Galaad. L’air est suave et léger. De tout petits souffles passent, sans froid et sans chaleur, idéalement purs…

Et c’est en ce recoin pastoral de la terre que Jésus, il y aura tantôt deux mille ans, « croissait en sagesse, en âge et en grâce, devant Dieu et devant les hommes ». Il a connu les printemps d’ici, les tièdes avrils pareils à celui qui nous charme à cette heure, les mêmes tapis de lin rose et de fines graminées. Notre pensée, en ce moment et en ce lieu, est hantée par le mystère de sa rêveuse enfance — mystère encore plus fermé peut-être à notre pénétration humaine que celui de sa vie d’homme, dont un reflet au moins a été transmis jusqu’à nous par les évangélistes. De cette enfance insondable, saint Luc est le seul qui nous ait dit quelques mots vagues, comme osant à peine en effleurer l’énigme ; après avoir