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pareils, ces villages. A l’entrée, toujours des femmes et des filles au lavoir ; en général aussi, quelque sarcophage chrétien des premiers siècles, violé, la croix grattée, servant de timbre pour l’eau du bétail. Et partout aux abords, donnant à ces nids humains l’aspect des repaires de fauves, traînent de fétides carcasses de chevaux et de chameaux, autour desquelles chaque nuit s’assemblent les chacals. Puis, le village passé, la mer des blés et des orges semble très vite l’engloutir, à mesure qu’il s’abaisse dans le lointain ; la plaine recommence, monotone, étale au gré du vent et du soleil ses reflets verts, ses luisants de peluche. Beaucoup de jeunes femmes sont à travailler dans ces champs immenses ; enfouies jusqu’à mi jambe parmi les épis serrés, elles arrachent les mauvaises herbes, — qui sont des coquelicots, des bleuets, des pâquerettes ; dans leurs beaux bras, nus jusqu’aux épaules, elles tiennent toutes des gerbes de ces fleurs ; non voilées, ici, en rase campagne, elles nous laissent regarder leurs traits et leurs longs yeux de naïveté sombre ; de légers tatouages bleus ornent le front de quelques-unes et des boucles de cheveux noirs s’échappent des mouchoirs de mousseline qui les coiffent à l’antique. Avec leurs énormes bouquets à l’épaule, quand elles se redressent pour nous voir