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aucun bruit ; cependant, à la minute précise où le soleil s’abîme derrière la plaine d’Esdrelon, dans la mer des herbages, la haute clameur des muézins s’épand tout à coup dans l’air, traîne longuement et s’éteint. A l’ouest, un peu à l’écart de la ville et regardant la vaste plaine, notre camp dressé nous attendait depuis plusieurs heures, nos muletiers ayant eu le temps de prendre l’avance pendant notre ascension du matin au Garizim. C’est au milieu de champs de blés touffus, mêlés de coquelicots et de bleuets. Une fraîcheur pénétrante, qui est presque du vrai froid, monte, avec le soir, de la terre encore mouillée, tandis que, du fond de tous les lointains d’herbes et de fleurs, des rainettes, des grenouilles, des hiboux [hibous], des chacals, entonnent l’hymne de la nuit. Une grande pleine lune d’argent surgit, s’élève dans le ciel. Et, aux heures consacrées, des muézins à voix délicieuse modulent, avec une infinie tristesse, le nom d’Allah…