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Le bon feu et l’hospitalité des moines nous semblent délicieux, le soir, après un si long jour froid et mouillé. Ils ont recueilli aussi deux autres passants, deux jeunes hommes chrétiens, un Algérien et un Hindou, qui se sont liés d’amitié sur quelque navire et qui font ensemble à pied le pèlerinage de Terre Sainte, sans argent, sans bagages et sans guides, de village en village, demandant leur chemin aux Arabes compatissants ; — on ne rencontre vraiment qu’en Palestine des voyageurs si étranges. Le Père Économe et surtout un jeune et charmant prêtre maronite, l’abbé Litfellah, nous tiennent compagnie pendant la courte veillée, dans le silence d’une grande salle délabrée et sinistre, tandis qu’au dehors ruissellent les gouttières et aboient les chiens errants. C’est plaisir de les faire causer sur Naplouse, son passé, ses ruines, et nous emportons de leur accueil le plus sympathique souvenir. Dans les cuisines du couvent, que nous traversons après avoir pris congé des deux Pères, nos muletiers sont autour de la cheminée, très occupés à faire bouillir du henneh pour se teindre les ongles. Pour nous, l’exemple est dangereusement irrésistible et la tentation subite nous vient, à Léo et à moi, de faire comme eux pour être plus bédouins. — C’est d’ailleurs