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voici qui arrive au milieu des bois de pins si magnifiquement verts. Les couleurs s’avivent de plus en plus partout et les derniers lointains se précisent ; nous voyons, de différents côtés, des choses infinies. Tous ces villages du Liban, épars sur les collines au-dessus et au-dessous de nous, sont devenus roses ; la mer calmée a repris sa nuance des beaux temps, pareille à celle du lapis. Nos narguilés vont s’éteindre et l’odeur orientale de la fumée s’est répandue dans l’air avec de violents parfums de plantes… Donc, il s’achève ce soir, notre pèlerinage sans espérance et sans foi. Et maintenant, après avoir tenté, puérilement si l’on veut, de reculer au fond de ces passés que les hommes oublient, il va falloir rentrer un peu dans le courant de ce siècle. Ce sera, il nous semble, avec une lassitude plus profonde, avec un plus définitif découragement, que les petits mirages nouveaux, les amusantes petites choses du jour et l’art des villes en fonte de fer auront peine à secouer encore. En nous s’est affirmé d’une façon plus dominante le sentiment que tout chancelle comme jamais, que, les dieux brisés, le Christ parti, rien n’éclairera notre abîme… Et nous entrevoyons bien les lugubres avenirs, les