Page:Loti - La Galilée, 1896.djvu/213

Cette page n’a pas encore été corrigée

une imperceptible attirance vers la jeune fille chrétienne aux beaux yeux gris candides et à la robe rose, un très furtif regret de la quitter, si inconnue, pour ne la revoir jamais… Oh ! bien imprécis, ce sentiment, et ne se formulant même pas. Cependant c’est déjà un ironique rappel à la terre, de se dire que, si on s’y livrait un peu, on pourrait en venir à perdre de vue toutes choses, non seulement l’inquiétude des sanctuaires de Baal qui ce matin hantait nos esprits changeants, non seulement l’obsession de tous les fantômes et de toutes les cendres des passés, mais aussi tous les désirs d’éternité, tous les songes de ciel, — et cela, pour un leurre d’un jour, approprié sans doute, mieux que les grands rêves, à notre brièveté dérisoire… Sur le soir, nous rejoignons, près de Chtora, la voie plus fréquentée qui va à Beyrouth et qui vient de Damas. Alors, c’est presque fini de l’Orient autour de nous : paysages et maisons quelconques ; fils télégraphiques courant le long d’une route bordée de peupliers où des voitures passent. Puis, nous campons pour la nuit au pied de la haute chaîne du Liban, qui nous sépare encore de la Méditerranée. C’est dans l’ombre d’une gorge sinistre, près d’un khân en ruines, en compagnie d’une