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France, — si ce n’était une chose qui s’élève au-dessus de ces bois printaniers, géante, svelte et haute : la colonnade du temple du Soleil ! Six colonnes seulement, supportant une frise brisée ; il ne reste debout que cela d’un temple qui fut une des plus étonnantes merveilles du monde ; mais c’est encore une ruine souveraine. Dès l’abord et de si loin, on a conscience de ce qu’il y a de surhumain dans ses proportions : elle dépasse par trop ce qui l’entoure ; les plus grands arbres ont l’air d’herbages à ses pieds. Et au dessous, dans la verdure, sont d’autres masses colossales, des débris déjà terriblement grandioses, qu’elle écrase pourtant de toute sa taille ; des murs, des colonnes, des temples de dieux antiques. Une mélancolie immédiate, soudaine comme un trait qui frappe, est venue à nous de ces immenses ruines un peu roses, isolées aujourd’hui dans la plaine vide et morte, surgissant au dessus de leur bois de peupliers avec une si inutile splendeur. On dirait le fantôme même du vieux paganisme magnifique, cette colonnade du temple du Soleil, qui se tient là-bas dans l’air, trop grande, démesurée comme une vision, — en avant des cimes du Liban neigeux, très blanches ce soir sur les obscurités du ciel…