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mer, et la chaîne du Liban qui se lève derrière elles comme une muraille du monde — rayée, zébrée de neiges trop blanches, d’un blanc cru de porcelaine, malgré l’éloignement excessif, sur un fond de nuages noirs. Aspects inattendus, qui se révèlent tout d’un coup en entier, et qui sont d’une grandeur presque terrible, avec ce ciel devenu ténébreux. C’est dans ces plaines, sorte de vallée large entre le Liban et l’Anti-Liban, que nous allons bientôt descendre pour trouver les temples du Soleil. L’Arabe y descendra avant nous, car le voici au-dessus de son hameau : « Passe par mon pays, dit-il, pour prendre le café sous mon toit. » Mais non, ce serait trop de retard, ce détour — et nous nous quittons avec une poignée de main. Il lance son cheval au galop, à travers des landes, et tous deux s’effacent à nos yeux : — l’homme et la bête, enfants des espaces libres où rien n’entrave la vue ni la course. Une heure encore, et nous avons enfin l’apparition de la « ville de Baal ». Dans les plaines dénudées et grisâtres d’en bas, où nous descendons par des sentiers en lacets, verdit une oasis d’arbres du Nord, de peupliers et de trembles ; on dirait presque un petit morceau de notre