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dans le ciel et l’obscurcissent ; mauvais signe pour nous qui devons reprendre demain matin la vie nomade. Des rayons errants se promènent sur la terre ; ils font çà et là des traînées de rose plus tendre sur l’amas des coupoles et des murs, ou bien des traînées plus claires d’émeraude sur la cime des bois.La montagne déserte qui nous porte a été foulée jadis par les rêveurs des plus vieux âges, et, à cause de cela, les musulmans la regardent comme sacrée. Dans ce silence d’en haut, nous nous sentons rapprochés peu à peu de ces hommes qui y sont venus, il y a quatre ou cinq mille ans, reposer leurs yeux sur l’étendue de cette éternelle ville et sur la fraîcheur de cette éternelle Oasis  ; les siècles, les millénaires fuyants et rapides, une fois de plus se fondent dans notre esprit comme des instants. Dans cet Orient, si immuable et si vieux, où l’on vit avec la hantise des myriades de générations antérieures, tant de fois ainsi la notion des durées se perd et l’heure présente paraît sombrer dans l’abîme des passés… Le coucher du soleil !… La prière du Moghreb [Moghred] !… Une clameur aiguë, triste et longue, s’élève de la ville ; mêlée aux cris stridents des hirondelles noires en tourbillon dans l’air, elle monte jusqu’à nous, —