Page:Loti - La Galilée, 1896.djvu/174

Cette page n’a pas encore été corrigée

vieux toits bas. Des milliers de petits marchands ambulants nous harcèlent, exaltant la qualité de leurs bonbons, de leur limonade, de leur cresson de fontaine ou de leur pain frais, par des refrains séculaires, par des plaisanteries éternellement pareilles, qui prouvent à la fois la naïve bonhomie et l’immuabilité de ce peuple : « Prenez garde à vos dents ! » disent les vendeurs de boissons glacées. « Calmez l’irritation de votre belle-mère ! » chantent les vendeurs de petits bouquets où des soucis se mêlent aux fleurs d’oranger et aux roses. Et, parmi tant de cris baroques, consacrés par d’immémoriales traditions, il en est de si vieux que le nom de Baal s’y trouve encore… Des visages étranges nous suivent : des mendiants de profession qui psalmodient leurs jérémiades, des derviches qui eux aussi demandent l’aumône, des fous qui bénissent. — Ainsi devait être, en Occident, la grande vie de nos rues au moyen âge. — Nous dérangeons des conciliabules de femmes à figure invisible, qui stationnent, pour composer et dicter des lettres, devant les échoppes des écrivains publics. Et enfin, dans le faubourg de Meïdan, hanté par les caravanes du Sud, nous passons au milieu de la curiosité sauvage des Bédouins, des Bédouines, de tous les gens des déserts d’à côté.