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en trilles et en vocalises par-dessus l’accompagnement monotone des sources, succède aux calmes morts de tout à l’heure. Mon Dieu, peut-être n’est-ce pas plus beau ni plus frais que certains de nos vergers d’Europe ; mais c’est plus surprenant ici, au milieu de ce pays de pierres desséchées et au seuil des déserts. Si déjà cela nous semble délicieux, après nos quelques heures de route dans les plaines de basalte, combien doivent le trouver rare et paradisiaque les visiteurs habituels de Damas, qui sont des gens de Palmyre, de Bagdad ou de l’Orient encore plus profond, venus en cheminant de longs jours à travers le silence des solitudes ! Il y a quatre ou cinq mille ans bientôt que cette oasis est citée dans les annales humaines, toujours pareille sans doute, se couvrant à tous les printemps des mêmes feuilles claires, attirant les nomades des déserts à son ombre et enfermant sans cesse une ville qui déjà se nommait Damas aux époques presque légendaires d’Abraham (Genèse, XIV, 15). Elle a connu toutes les splendeurs et toutes les épouvantes, cette ville encore invisible vers laquelle nous marchons sous l’épaisseur des verdures. De grands conquérants y sont venus et s’y sont arrêtés charmés ; elle a été bâtie et rebâtie en des styles