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Un village de boue et de pierres est accroché à ces flancs dénudés de l’Hermon ; c’est Medjdel ech-Chems, habité par des montagnards druzes ; pas un arbre, pas une plante verte alentour ; dans cette région âpre, où souffle le vent des cimes, tout ce qui n’est pas blancheur de neige est grisaille brune de terre ou de basalte. Comme nous passons au-dessous de Medjdel-ech-Chems, une jeune fille en descend, court à toutes jambes après nos chevaux, et nous ralentissons pour l’attendre. C’est une enfant de quatorze à quinze ans, coiffée d’un long voile de mousseline, un collier d’ambre au cou. Elle veutnous vendre des couteaux à manche de cuivre, en forme de poignard catalan, qui sont une spécialité des forgerons de son village. Nous n’en avions nul besoin, mais elle est si jolie avec ses doux yeux et ses bandeaux noirs, haletante, les joues rosées par sa course, que nous lui en achetons plusieurs. Encore une heure ou deux, dans le voisinage intime de l’Hermon, au milieu de rudes défilés de pierres que les neiges dominent ; partout les arêtes de la montagne commencent à saillir sous son manteau qui s’use, et on dirait de grandes vertèbres rougeâtres mises au vif parmi les magnifiques velours blancs. Autour de nous, les aspects sont violents et