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Par ce pont, d’où retombent de longues traînes de feuillages, de temps à autre sort des ruines quelque cavalier qui caracole, le burnous envolé ; ou bien un pâtre qui s’en va chercher ses troupeaux aux champs ; ou encore quelque jeune fille, sa cruche à l’épaule : tout le petit va-et-vient de ce village perdu… Et jadis, les chevaliers croisés sont passés là, — et, sans doute, Jésus lui-même, avec sa suite de pêcheurs galiléens… Des souffles très chauds, un peu amollissants, promènent la senteur des orangers, des foins et des menthes. Deux petites filles arabes, assises auprès de nous dans les marguerites, font voler, au bout de brins de laine, des hannetons verts… Ensuite, vient l’heure encore plus apaisée du soir, qui va amener le retour des bergers, et nous rentrons dans l’enceinte des murs, nous mêler aux quelques rêveurs qui attendent là près de la porte ce spectacle de chaque fin de jour, abrités sous le grand arbre, autour du saint tombeau. Le lieu de leur réunion est déjà assombri, et ces haillons pendus aux branches, au-dessus du catafalque recouvert de drap fané, disent la persistance, à travers les temps, des fétichismes primitifs. La sortie et le retour des bergers, c’est une des