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tumultueux dans son lit profond. Remparts et porte ont été réédifiés jadis par dessus les soubassements romains avec des débris de temples ou de palais : fragments de sculptures, employés au hasard ; colonnes de granit ou de basalte des églises, que les ouvriers en bâtissant ont posées de travers au milieu des murs comme par ironie. Puis tout cela, paisiblement, a vieilli ensemble, sous les lichens et les ronces, au bruit éternel des eaux… Après le pont, s’étend, une terrasse naturelle, tapissée d’herbe fine et tout émaillée de blanc par d’innombrables marguerites ; c’est là que nos tentes sont dressées. Campement délicieux s’il en fut, où nous terminons le jour dans le sentiment d’une paix antique, baignés et rafraîchis d’eau vive, étendus comme des nomades au repos à l’entrée de nos maisons de toile. Derrière notre terrasse en fleurs, un bois d’oliviers épand son ombre noire ; à nos pieds, le torrent mène sa grande symphonie monotone, caché tout au fond de son abîme, parmi des retombées de verdures presque souterraines. Et devant nous, c’est le vieux pont, la vieille porte sarrasine, tout le fantôme charmant de la Césarée-de-Philippe ; puis l’éden désert des environs, et enfin l’amoncellement lointain des montagnes.