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Grand Cheikh de Neige j », l’Hermon au manteau blanc, vers lequel nous marchons déjà depuis plus de deux journées. Quand nous avons dépassé ce lac de Houleh, que Josué appelle la mer de Mérom, les marécages cessent ; le Jourdain, dégagé des eaux stagnantes, précise son cours entre des rideaux de papyrus, de peupliers et de trembles. Nous entrons vraiment dans une région d’arbres — dans une région de pierres surtout, de grosses pierres basaltiques grises, qui sortent par centaines des herbages, pareilles aux buffles [bufles] et se confondant avec eux. Ils relèvent leurs lourds museaux plongés dans les foins, tous ces buffles [bufles], pour nous regarder passer, et sur chaque bloc de basalte un énorme lézard, posé comme une figurine sur un presse-papier, nous salue de son continuel hochement de tête. De temps à autre aussi, quelque chacal en maraude de jour, se hâte à notre approche de regagner la montagne, marchant tout aplati, retournant vers nous son nez pointu pour s’assurer que nous ne le suivons pas.Sur un vieux pont sarrasin, usé par le passage des caravanes d’autrefois, percé, ajouré, crevé, nous franchissons le fleuve bruissant, au milieu d’un fouillis de lauriers-roses et de papyrus.