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concert des grenouilles, commencé de tous côtés à la fois, se mêlent des aboiements de chiens, des appels de bergers, des clameurs lointaines qui sonnent étrange, et toujours le petit turlututu moqueur des flûtes de roseau, étouffé, dirait-on, sous l’épaisseur des herbages. Nuit close maintenant, et, ne sachant plus que faire, nous nous arrêtons. C’est au milieu d’herbes infiniment légères qui arrivent à la hauteur de nos têtes, mais qui sont très clairsemées, permettant vaguement de distinguer les choses proches. Çà et là autour de nous, il y a des masses noires, de contours imprécis, qui doivent être des bœufs — et même on entend leur tranquille broutement nocturne. Et voici des formes humaines aussi, qui surgissent en silence autour de nous, silhouettes bédouines à larges couronnes et à longues oreilles de chèvre, remuant leurs draperies dans l’espèce de brouillard que font toutes ces tiges si hautes ; — l’un d’eux tout à coup prélude sur son chalumeau, petite musique qui est discrète comme une voix d’insecte, mais que nous n’attendions pas si près de notre oreille, et les autres alors, légers, sans bruit, sautent en mesure, frôlant les herbages d’une danse de fantômes…